Pour marquer mon passage de l’autre côté de la cinquantaine, mes proches m’ont offert une surprise inoubliable : un voyage à Rome. Rapidement après l’annonce du cadeau, une pensée s’est imposée à moi, celle de notre saint patron, Saint Sébastien. Cette idée n’était pas anodine : l’été dernier, mon passage à Narbonne, sa ville natale, m’avait laissé sur ma faim. Non seulement les représentations du saint y étaient rares, mais l’église érigée sur le lieu présumé de sa naissance était, hélas, fermée lors de ma visite. Afin de combler ce manque, il me semblait nécessaire d’intégrer à mon itinéraire, au milieu du Colisée, du Panthéon ou du forum romain, un crochet par la basilique Saint-Sébastien-hors-les-Murs, lieu de sa sépulture supposée, et par l’église San Sebastiano al Palatino, érigée sur le lieu prétendu de son martyre.

Au 3ème siècle, Sébastien était un officier de la garde prétorienne. Il fut accusé de soutenir les chrétiens persécutés sous l’empereur Dioclétien. Son châtiment fut d’être attaché et transpercé par les flèches de ses propres frères d’armes. Pourtant, contre toute attente, il survécut à ce supplice. Rétabli, Sébastien décida de retourner auprès de l’empereur pour lui reprocher ses persécutions. Fou de rage, celui-ci ordonna qu’on le batte à mort.
Saint-Sébastien-hors-les-Murs
Arrivée à Rome le vendredi, j’ai dû, dès la sortie de l’avion, modifier tout le planning que j’avais savamment élaboré. En effet, les conflits sociaux n’étant pas l’apanage de notre pays, cette journée fut bouleversée par une grève des transports romains. Saint-Sébastien devait attendre le surlendemain, le samedi étant dévolu à la visite du Vatican. Donc, dimanche matin, après une visite des grandioses thermes de Caracalla, direction la basilique via la ligne de bus n°118.
La basilique Saint-Sébastien-hors-les-Murs est située le long de la Via Appia Antica, au-delà des anciennes murailles de Rome, d’où le qualificatif « hors-les-Murs » associé au nom de l’édifice. Certes, elle n’a pas le faste de Saint-Pierre de Rome ou de l’archibasilique Saint-Jean de Latran, mais elle a une signification particulière pour ceux qui essaient de perpétuer les traditions de notre noble jeu de l’arc.
La basilique fut construite au IVe siècle sur le site des catacombes. C’est ici que, selon la tradition, les corps des apôtres Pierre et Paul furent temporairement déplacés pour les protéger des persécutions. Plus tard, la basilique prit le nom de Saint Sébastien en l’honneur du martyr, dont les reliques y furent déposées

La Via Appia, longue de près de 500 kilomètres, était l’une des principales voies romaines. Partant de Rome, elle menait jusqu’à Brindisi, un port stratégique du sud de l’Italie. Sur cette route, essentielle pour l’Empire, les Romains crucifièrent 6 000 esclaves de Spartacus, après avoir écrasé leur révolte.
Reconstruite au XVIIe siècle sous la direction de l’architecte Flaminio Ponzio, elle arbore aujourd’hui un style baroque prédominant. À l’intérieur, plusieurs œuvres méritent le détour. Parmi celles-ci, le gisant de Saint Sébastien par Giuseppe Giorgetti se distingue par son réalisme saisissant. Le plafond de bois, richement décoré dans le style baroque, offre une représentation saisissante de Saint Sébastien percé de flèches. Enfin, les reliques comportent notamment L’empreinte dite des pieds de Jésus, une des flèches ayant frappé Saint Sébastien et une partie de la colonne à laquelle il aurait été attaché durant son supplice.





Ce site est d’un grand intérêt pour moi, mais il reste avant tout un lieu de prière. Alors qu’une cérémonie de baptême débute, je choisis de quitter la basilique. Après avoir rendu hommage à Saint Sébastien dans sa basilique, je me dirige vers un autre lieu chargé d’histoire, celui de son martyre présumé : le mont Palatin.
San Sebastiano al Palatino
Sur la colline du Palatin à Rome, proche de l’arc de Titus, se situent les restes du temple d’Héliogabale. Ce temple est connu pour être le lieu de la mort de Saint Sébastien. En effet, Sébastien, après avoir guéri prodigieusement et malgré les conseils de ses amis, se rendit courageusement auprès de l’empereur Dioclétien et de son co-empereur Maximien, qui présidaient une cérémonie dans le temple érigé par Héliogabale, en l’honneur du Soleil (Sol Invictus). Il les réprimanda pour les persécutions contre les chrétiens. Surpris à la vue de son soldat encore en vie, Dioclétien ordonna froidement que Sébastien soit battu à mort, avant que soit jeté son corps dans la Cloaca Maxima, un ancien égout romain.
Adossée aux ruines du temple, l’église San Sebastiano al Palatino est érigée au Xe siècle, à l’endroit du martyre. L’édifice que l’on voit aujourd’hui est le résultat d’une reconstruction effectuée en 1624, durant le pontificat du pape Urbain VIII.
En me tenant sur les vestiges du temple d’Héliogabale, du mont Palatin, ou du forum, j’ai été saisi par la sensation d’être un témoin minuscule d’une histoire millénaire. Je n’ai pas pu m’empêcher d’imaginer cet homme, jeune et courageux, affrontant l’empereur dans ce lieu du temps de sa splendeur.
Je n’ai malheureusement pas pu accéder à l’église car l’accès était en dehors de l’enceinte de la visite et que mon temps était bien trop compté. Ça me donnera une bonne raison de visiter plus amplement cette magnifique ville et de revenir sur les traces de notre saint patron.
L’existence de Saint-Sébastien ne fait pas le consensus et le récit de son existence n’est pas le même selon l’endroit, mais l’exemple de courage et de persévérance face à l’adversité que sa légende incarne suffit à justifier sa place dans l’histoire.